12/04/2011

Skullflower - Orange Canyon Mind (2005)


Plutôt que d'inonder la chatbox de conneries diverses, il serait temps que je m'attarde à nouveau sur l'un des autres essentiels des londoniens de Skullflower. Noise rock toujours, mais pas question de redondance pour autant, la pièce en question n'ayant plus grand chose en commun avec la noirceur incandescente des IIIrd Gatekeeper et Obsidian Shaking Codex susnommés. Moins homogène, plus noise, peut-être plus riche en sonorités aussi, les bains de feedbacks poisseux ayant été remplacés par des crépitements électroniques, des souffles électriques et des vagues de parasites passées à la moulinette. Couche parasitaire, qui, lorsqu'elle ne transforme pas simplement la piste en cacophonie overdrivée (Forked Lightning, ou comment jammer intensément dans une baie de serveurs pendant que la bonne passe l'aspi'), sert de toile de fond aux guitares hyperfuzzées, grooves simples et efficaces à peine soutenu par une batterie inaudible (Orange Canyon Mind) ou leads grésillantes s'exprimant toujours en dialecte wha-wha, aussi allumées qu'un pétard à la salvia (Star Hill). Survoltée mais ouvertement psychédélique, l'humeur générale de la bête oscille et glisse entre les extrêmes de façon incertaine, entre batifolage euphorique, aventure en territoire mystique, malaise étouffant et inquiétante perte de contrôle. Aussi délirant qu'Electric Heavyland mais sans le coté parpaing sur la tronche. Si j'étais lolilol et que je voulais continuer à cultiver mes tares rédactionnelles, je dirais qu'il s'agit d'un enregistrement de la fée électricité qui voyage sous psychotropes, et qu'il faut donc en profiter.

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11/04/2011

The Golden Sores - A Peaceable Kingdom (2009)






















Cette musique est un joyau. Une pierre dont la contemplation absorbe le regard de son blanc mat, plein, ivre d'anonymat. Telle l'étendue d'un ciel qui, contemplé par les mortels cheminant sous lui, s'ouvre à eux comme d'un écrit que ces derniers lisent, imitant la richesse de l'infini; telle cette musique s'ouvre à nous, et en nous étend ses voûtes nues, bruts et massifs horizons. Mais ces cieux sonores, sont-ils riches ? Oui : car lorsque s'efface l'azur, le bleu simple, voici paraître leur mat (qui ressemble à du jade), tel du minerai - signe de la richesse. Ainsi The Golden Sores table moins sur le rythme, le souci de la mélodie, la structure interne, organique, que sur la création de tons et de textures, sur la formation d'une matière sonore brute, massive, bloc indivis de calme éternité, pour véhiculer ses incroyables épiphanies, son idéal d'une force pleine, à telle point discordante et dilacérée qu'elle confine à une forme d'intensité mystique qui éprouve, consume l'individuation, modèle à son image l'homme qui la reçoit. De telle sorte que, s'établissant sous les voûtes cristallines de ce sanctuaire fait sons, il en contemple le riche éclat, pour mieux y déchiffrer les signes, veinés de reflets bleus... jade ou pierre de lune ? Quoiqu'il en soit, les flux et les reflux de ce sublime en lambeaux laissent hagard, étranger à soi. Comme si le voile de Maya flottait, déchiré, sous nos yeux ébahis, desquels sourdent les larmes face à la pureté de la donation, face à l’évidence indubitable d’une charge débordante, engorgée de sacré qui de toute part assaille, submerge, transfigure. Le modus operandi est le suivant : une convergence ahurissante de drone-guitares écorchées vives, gorgées d'effets (fuzz, sustain et tout le tremblement), qui se superposent en multiples couches, donnant d'abord l'impression d'un vent descendant, puis, à mesure qu'il gagne en puissance et s'enrichit d'harmonies simples et belles, se transforme en nuées ascendantes qui s'élèvent, et toi avec elles, vers les confins. On se retrouve alors immergé dans un magma sonore statique, où l'on discerne strates par strates chaque tons créés par des guitares généralement portées dans les aigus, où miroitent en fond les reflets cosmiques d'un synthétiseur alternant pulsations sourdes, graves, profondes,(The Awful Rowing Toward God), et nappes limpides, translucides, d'un space ambient me rappelant un peu Paysage d'Hiver (Klonopin), tant et si bien qu'il devient difficile, au moment où tout ce beau monde se confond, de différencier qui fait quoi où et comment, mais peu importe, on se laisse bercer, béats et sereins, par ces nuages en pierres de lune, drones à la beauté crue, déchiquetée. Ce "Peaceable Kingdom" c'est la plénitude inhumaine d'un son qui se suffit à lui-même et qui, en se dévoilant, rayonne et baigne tout d'une saturation magnifique. Ceci est un album essentiel, bouleversant, que l'on veille nuit et jours, excès de chant aux lèvres...

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Basic Channel - BCD-2 (2008)






















Puisse cette musique traverser le corps d'Aes-Dada et le faire voler en éclats.
Basic Channel fait quelque chose d'à la fois excellent et de suffisamment européen, minimal et dub pour entraîner les plus récalcitrants à la musique techno dans ses spirales pour peu qu'ils aient monté un peu le son. Le son viscéral, le groove hypnotique, les subtiles progressions te laissent peu d'autres choix dès les premières secondes du bien nommé Enforcement, et te donnent tout de suite les bons critères pour voyager dans cette scène commencée à Détroit dans la fin 80 avec Juan Atkins, Derrick May et Kevin Saunderson.
Les amateurs de BC peuvent ensuite se diriger vers Maurizio.

06/04/2011

Kandja Kouyaté et l'Ensemble instrumental du Mali (1983)




















Je relaie cette cassette malienne vieille de presque 30 ans trouvée pour ma part ce matin, et qui est absolument géniale. Je me passe de l'effort de faire un upload indépendant, ce serait enlever du crédit au super blog awesometapesfromafrica qui fait un boulot de fada pour ressortir ces obscurités du grand continent.
On y entend le Kora (cet instrument franchement, ce son, han!) et quelques percussions, "tapissés" presque comme à l'indienne, et le chant plongé dans le mix de dame Kouyaté, qui n'en est pas moins impressionnant: fort de son âme toujours liée à la mélancolie. Le format cassette force à la symmétrie mais cela convient particulièrement à l'oeuvre, quelle qu'elle puisse être. C'est bien difficile à deviner, mais cela n'empêche heureusement pas de goûter la musique avec délice.

02/04/2011

Qu'est-ce donc que la vie...? (1800-1806)
















Qu'est-ce donc que la vie des hommes ? Une image de la divinité.
C'est sous le ciel que cheminent tous les terrestres : ils
Le contemplent. Et lisant, en quelque sorte, comme
Dans un écrit, les hommes imitent la richesse et
L'infini. Le simple ciel nu
Est-il donc riche ? Les nuages d'argent sont pareils
A des fleurs. Et de là-haut tombent en pluie
L'humide et la rosée. Mais quand l'azur
Est effacé, le bleu simple, voici paraître
Le mat du ciel (qui ressemble à du marbre) tel du minerai:
Signe de la richesse.

Extrait d'une lettre à Isaac Von Sinclair, 24/12/1798


[...] J'ai parcouru ces jours-ci ton Diogène Laërce. Il m'a fait sentir une fois de plus que le côté éphémère et changeant des systèmes humains me paraît presque plus tragique que les destins, considérés généralement comme seuls réels; et je crois que c'est naturel, car si l'homme, dans son activité la plus personnelle, la plus libre et jusque dans sa pensée la plus autonome, dépend des influences étrangères, et si cette pensée même est modifiée par les circonstances et le climat, ce qui est incontestable, où donc peut-il encore exercer sa souveraineté ? C'est une bonne chose d'ailleurs, et même la condition première de toute vie et de toute organisation qu'il n'y ait aucune force monarchique au ciel, ni sur terre. La monarchie absolue s'annule partout elle-même, car elle est sans objet; elle n'a d'ailleurs jamais existé au sens strict du terme. Toute chose, dès qu'elle est agissante, s'amalgame et souffre, donc même la pensée la plus pure de l'homme; et rigoureusement parlant une philosophie a priori, totalement indépendante de toute expérience, est un pur non-sens, tu le sais, tout autant que la révélation positive, où tout tient à celui qui la fait, tandis que celui à qui la révélation est faite ne peut se permettre le moindre geste pour la recevoir, sinon il y mettrait déjà quelque chose du sien.
Tout produit et toute conséquence est le résultat du subjectif et de l'objectif, du particulier et du tout, et c'est justement parce que dans un produit la part du particulier ne peut jamais être complètement distinguée de la part qu'y tient le tout, que chaque objet particulier est intimement lié à un tout et qu'ils ne font tous deux qu'un seul ensemble vivant, intégralement individualisé, et constitué de parties à la fois autonomes et intimement, éternellement unies. Sans doute, de n'importe quel point de vue défini, l'une quelconque des forces autonomes du tout sera prédominante, mais elle ne sera que temporairement et jusqu'à un certain point.