31/01/2011

Solid Space - Space Museum (1982)

Croyez-moi, c'est (presque) involontaire. Space Museum est l'unique œuvre sortie par un duo londonien proche de l'anonymat, Dan Matthew et Jon Winegum. A la pochette peu ragoûtante pour n'importe qui étant sain d'esprit était fournie une cassette qui n'encouragea certainement pas le bouche-à-oreilles qui aurait permis à Solid Space d'avoir un peu de reconnaissance. Pourtant la formule était simple : un synthé qui joue une musique pop simpliste et prompte à provoquer crise d'épilepsie sur crise d'épilepsie pour les synesthètes (Afghan Dance), des paroles bien catchy, voire naïves et teenage (Destination Moon) + une ambiance spatiale - merci Cpt. Obvious - ... et c'est tout. La Minimal Wave dans toute sa splendeur, et une de ses pépites les plus remarquables, aux côtés de Martin Dupont, Mark Lane ou Oppenheimer Analysis pour ne citer qu'eux.
Revenons à ma toute première phrase. En effet, les ressemblances avec Silver Apples sont nombreuses. Le duo d'inconnus, le non-succès, le minimalisme, l'ambiance, la voix dans le brouillard, ça fait beaucoup. Sauf qu'on est en 1982. L'influence du Velvet Underground se fait aussi bien sentir, par exemple sur la cinquième piste qui pourrait bien être issue de l'éponyme du VU. Mais en vérité, ce sont des dizaines d'artistes et de chansons passées et à venir (en 1982 j'entends) qui viennent à l'esprit quand j'écoute cet album, encore plus addictif que Silver Apples à mon goût.

Ici mis à jour, s'il vous plaît !

Thelonious Monk Quartet Featuring Johnny Griffin - Complete Live At the Five Spot 1958


Les ouvrages sur le jazz sont assez rares pour être soulignés, encore plus quand ils sont français, avec Une Anthropologie du Jazz par Jean Jamin et Patrick Williams. A défaut d'être exhaustifs (ce qui ne fut pas dans leurs intentions), ils y abordent foule de points sur le jazz, de sa création à sa diffusion, avec différents écueils à traverser (notamment dans ces sections sur Billie Holiday ou Django Reinhardt, très intéressantes) qui sont aussi prétextes pour nous lecteurs de saisir un peu les private jokes et anecdotes qui se cachent derrière bien des pistes et albums.

J'ai un peu de mal à quantifier l'influence qu'avait Thelonious Monk sur ce qui était diffusé de sa musique. La foire d'enregistrements trouvables sur le net comme dans les bacs a tendance à vite éparpiller l'auditeur au milieu de disques dont il ne sait pas si ce sont de bêtes compilations sans cohérence comme on en voit trop (cf. la pléthore de doublons sur RYM), ou des travaux de regroupement dont on peut saluer l'initiative et le producteur.
Ainsi, entre un Line-Up avec Coltrane et un autre avec Charlie Rouse, Monk forma un quartette avec Johnny Griffin pour plusieurs mois au Five Spot de New York, que j'ai pu découvrir dans l'ouvrage sus-nommé :

"Les séances enregistrées live par le quartette de Thelonious Monk (avec Johnny Griffin au saxophone ténor, Roy Haynes à la batterie et Ahmed Abdul-Malik à la contrebasse) au club Five Spot à New York en 1958 sont d'une remarquable acuité et lisibilité : elles doivent sans doute autant à l'intelligence du producteur et de l'ingénieur du son, respectivement Orrin Keepnews et Ray Fowler, qu'à la bonne acoustique de la salle qui ne réverbère ne ne déforme la production des harmoniques [...] Cela est d'autant plus remarquable que ce sont les premières prises de son effectuées en club - et ce à l'aide d'un matériel professionnel (Ponzio & Postif 1995 : 207) - du quartette de Monk, où l'on perçoit en outre les réactions, les conversations et les allées et venues du public. Il suffit d'écouter l'extraordinaire solo de Monk sur Bye-Ya et les accords qu'il plaque, parfois à contretemps, sur les octaves supérieures du clavier, montant progressivement en dissonance, ou encore la manière dont il fait sonner son instrument comme un carillon derrière les chorus de Johnny Griffin sur Rythm-A-Ning." ( page 272-273, note 20)"

On peut aussi trouver ce double CD (réédité par Lonehill Jazz) sous les noms des galettes Thelonious In Action et Mysterioso, certes un peu dégarnies car plus anciennes...
Et si l'on ne connaît pas Monk, voici ce qu'on pourrait éventuellement en dire : parmi les créateurs du bebop, à l'esthétique unique, occupant l'espace sonore comme personne avec son jeu stride et ses constructions rythmiques comme mélodiques à en faire pleurer les vieux cons puristes de l'époque, travaillant le son et le silence l'entourant comme c'est trop rarement fait depuis 30 40 ans. Véritable ovni impossible à imiter, il illustre peut-être le mieux le fait que le jazz ne soit qu'une série d'erreurs et de fausses notes.


Part 1 | Part 2 (320kbps) mis à jour

29/01/2011

Un peu plus sur la twee pop

Et pour accompagner l'album de Black Tambourine, quelques liens pour tenter de comprendre pourquoi la twee pop c'est important, et quelques vidéos de chansons auxquelles je faisais référence en parlant des tous ces chansons mineures qui pour certaines personnes sont des mega-hits.








Black Tambourine - Complete Recordings




















Les disques marqués "Complete Recordings" dégagent quelque chose de spécial, on a l'impression de se trouver face à un individu dans toute sa personnalité, il est "tout là", entier, complet quoi, et ça ça force à la déférence. Celui de Black Tambourine n'est pas moins excitant, peut-être même davantage du fait qu'il ne tape pas même les 25 minutes de musique, sur dix titres, et qu'à bien y regarder, le groupe de Washington a en fait sorti quelques autres titres.
Black Tambourine appartient à cette scène qu'on dit Twee qui, au tournant des 90s, pratiquait une indie pop toute dédiée à sa propre innocence, qui devait tout à la simplicité punk qu'ils transformaient en pop bubblegum, ainsi qu'au lointain héritage sixties des rêveurs girl groups. Si écouter de la twee en 2011 est affectionné par les gens hype, c'est aussi parce que cette innocence est quelque chose qui n'a plus été vue depuis.
Ce Complete Recordings est donc un petit bout d'histoire de cette branche de l'indie pop. Les personnes intéressées se tourneront ensuite vers les singles de Tullycraft, le premier Beat Happening, l'oeuvre de Rose Melberg puis gentiment vers Camera Obscura et Belle & Sebastian, en allant chercher, le long du chemin, tous ces hits si mineurs et si importants à la fois.
Black Tambourine a en plus un fort héritage shoegaze et noise pop, ça s'entend: les mélodies sont noyées dans la révérbération et n'en sont que plus douces et dreamy.

26/01/2011

Silvio Rodríguez - Al final de este viaje





















Silvio Rodríguez sort cet album alors qu'il a 32 ans: seul avec sa guitare pour chanter des chansons qui datent de l'époque où il était jeune et révolutionnaire (et la révolution, à Cuba, ils connaissent), bien avant Días Y Flores sorti 3 ans plus tôt en 1975. Rodríguez est à mon avis LE songwriter par excellence, bien que je l'écoute sans le comprendre. Pour savoir si vous partagez mon avis, il suffira d'écouter le premier numéro, Cancion del Elegido. J'ai du mal à concevoir qu'on puisse ne pas tomber immédiatement amoureux mais ça c'est mon côté intégriste. Ou serait-ce que Rodríguez est à la fois trop délicat, vivant et épique pour imaginer résister à son émotion? J'affectionne en tout cas particulièrement le côté dépouillé de cet album (bien que ce soit jamais vraiment autrement), et les chansons sont toutes sublimes.

flac / mp3 (vu que j'ai piqué ces liens: password = vibes)

Fishmans - 空中キャンプ (Kūchū Camp)





















Les Fishmans sont un groupe japonais de dub/pop qui ont parcouru les 90 et atteignent le sommet de leur art en 96 avec cet album et l'ep Long Season. Le second étant difficile à trouver autrement qu'en basse qualité (lire: foncez!), je mets celui-ci. Les Fishmans basent leurs chansons sur des loops basse / piano / guitare au tuning infiniment dreamy, des ornements, et sur le timbre exceptionnel de leur vocaliste. Le style est si doux et coulant, si planant, si ingénu, transparent et sans complexe, qu'ils peuvent sans autre prétendre au statut de "nicest music ever" (en fait ça c'est moi qui le prétend). C'est de la musique gentille, qui se livre totalement, ne demande rien. Sur celui-ci, après le reggae Baby Blue, j'ai surtout une adoration pour les cinq derniers titres, desquels Night Cruising ressortira sans doute inévitablement le plus.

20/01/2011

Jean Sibelius - The Symphonies (2006)


Non pas une, ni deux, mais l'intégralité des symphonies de Sibelius ( jouées par l'orchestre symphonique de San Francisco et conduites par Herbert Blomstedt (de 1989 à 1995) pour vos belles oreilles de lapin de garenne. La prise de son, limpide, ample, tout comme l'exécution, mesurée mais passionnante, sont simplement idéales pour ces pièces à la pureté minérale. Chacun de ces joyaux témoignant à sa façon un amour profond de la nature, de ses forces et de ses mythes (écoutez donc le grandiose Tapiola, l'une de de ses dernières oeuvres, pour vous en convaincre), depuis la première symphonie très tchaikovskienne, ses transports aériens et ses motifs épiques (pourtant Dieu seul sait à quel point je n'aime pas utiliser ce mot), jusqu'à la septième, véritable chef d'oeuvre d'un seul petit bloc, le panthéisme dans une vingtaine de minutes, aux transitions entre les climats si imperceptibles, imprévisibles et raffinées qu'elle en devient déroutante. Oeuvre qui pourrait à elle seule résumer la musique symphonique du finnois: Romantique sans jamais tomber dans le pathos, organique sans manquer de mystères (quatrième et cinquième), au langage emprunt de classicisme mais formellement moderne, vertigineuse, spectaculaire dans les paysages qu'elles dépeint, sans être totalement hermétique aux tourments humains. Pure, vaste, belle comme la Terre. Et ouais mon gars.

Je recommande l'intégrale à tous, particulièrement à ceux qui ont apprécié les poèmes symphoniques d'Arnold Bax, et dans une moindre mesure, les symphonies de Tchaikovski ou les quatre premières de Mahler.

Acheter ici.